Cette enquête est partie d’un constat et d’une question simple : les personnes qui subissent davantage les risques climatiques vont-elles agir politiquement pour défendre des mesures écologiques ? Nous nous sommes rapidement tourné·es vers le vote écologiste, un moyen pour nous de vérifier par les chiffres si l’engagement politique change dans les communes ayant subi des catastrophes climatiques et des incendies.
Nous avons centré nos recherches sur la Nouvelle-Aquitaine et plus spécifiquement sur la Gironde, qui est l’un des départements français les plus sinistrés.
Sur le site « Géorisques », nous avons récupéré deux fichiers recensant toutes les déclarations préfectorales de « catastrophes naturelles » en France entre 1984 et 2021. Le premier décompte les inondations, les glissements de terrain, etc… Et l’autre détaille spécifiquement les incendies.
Notre premier travail, qui a pris plus d’une journée, a été de sélectionner les communes les plus sinistrées parmi ces fichiers. Nous avons donc décompté les catastrophes naturelles que les communes de Nouvelle-Aquitaine avaient subies. Nous nous sommes notamment demandés à quelle date commençait le décompte des catastrophes, et quel nombre de récurrences fixes le composaient. Nous voulions observer une évolution sur les élections à toutes les échelles. Il nous fallait donc au moins deux échéances électorales par type d’élection. D’où notre choix d’une période de 10 ans, qui permet de voir l’impact de ces catastrophes naturelles sur le vote. Et, pour notre étude, nous avons choisi les communes ayant subi plus de huit catastrophes naturelles et incendies de 2012 à 2022. Soit un total de douze communes. À ce stade, nous avons réalisé une carte pour les localiser et recenser les catastrophes climatiques que chacune d’elles avait subies sur la période.
Nous avons ensuite récupéré les résultats pour les deux dernières élections municipales, départementales, régionales, présidentielles et européennes dans les douze communes, sur le site “Datagouv”.
Nous avons récupéré un fichier par élection et par année. Dans le même temps, nous avons défini le vote écologiste, tel que nous pourrions l’analyser. Nous nous sommes appuyé·es sur les conseils de Daniel Boy, spécialiste de l’écologie politique : en plus d’Europe Écologie Les Verts, nous avons intégré les groupes d’alliances intégrant les Verts et les écologistes indépendants. Grâce à cette définition, nous avons pu nettoyer nos jeux de données électorales pour construire un fichier par type d’élection comprenant uniquement les listes et candidat·es écologistes. La classification par nuances des listes nous a donné du fil à retordre. Par exemple, pour les élections départementales, nous avons dû vérifier la présence ou non de candidat·es écologistes parmi les binômes qualifiés d’Union de la Gauche. Nous avons organisé nos fichiers de la manière suivante :
Pour certaines communes et certaines élections, nous n’avons trouvé aucun·e candidat·e ou liste écologiste, d’où la présence de lignes vides.
Toutes ces données font apparaître de grandes disparités dans le vote écologiste parmi les douze communes, où il reste minoritaire quelle que soit l’échelle des élections. Nous avons néanmoins identifié une tendance à l’augmentation de ce vote (sauf à l’élection présidentielle), tendance que nous avons représenté dans quatre diagrammes en barre, pour les élections départementales, régionales, présidentielles et européennes.
En étudiant les données pour les élections municipales, nous nous sommes rendus compte que dans la majorité des communes choisies, les maires et mairesses n’étaient pas forcément encarté·es, ce qui rendait difficilement exploitables les résultats de ces élections. Le meilleur moyen de mesurer la place des questions écologiques à cette échelle a été d’étudier les programmes des maires et mairesses élu·es ou réélu·es en 2020. Après une recherche fastidieuse sur les comptes Facebook des 12 maires et mairesses, nous avons construit une infographie pour classer leurs communes en fonction de la proportion des mesures écologiques dans ces programmes.
Nous nous sommes rapidement tourné·es vers une anthropologue qui a travaillé sur la politisation des catastrophes naturelles. Cette experte nous a permis de comprendre pourquoi nous n’avons pas forcément vu apparaître de lien entre la récurrence des sinistres et le vote écologiste. Nous avons enfin complété ces recherches avec l’interview des maires de deux communes figurant sur notre jeu de données : Seignosse et Biganos.
Lina Boudjeroudi, Samuel Cardon, Noëlle Hamez, Margaux Longeroche, Candice Mazaud-Tomazic et Romane Rosso
Nos données : https://docs.google.com/spreadsheets/d/1D7cgBxRzNAgi6Mz-L2RmlLzVg6whiC7jk998C6PHMeo/edit#gid=426987069
Nos intervenant·es : Daniel Boy, politologue spécialiste du vote écologiste, Sandrine Revet, anthropologue à Sciences Po Paris, Bruno Lafon, maire de Biganos et Pierre Pecastaings, maire de Seignosse.